MONI MALA
PATUA
WEST BENGAL
(il n'est pas toujours facile d'avoir l'orthographe précise concernant le nom des artistes, au vue de mes dernières recherches -1 décembre 2006- il semblerait que le vrai nom de cette artiste soit Manimala Chitrakar)
Moni Mala est née en 1974 dans le district de Midnapur dans l’état du West Bengal. Son père était sculpteur, son oncle et son grand-père exerçaient déjà ce métier de peintre qui est aujourd’hui le sien. Sa grande connaissance des couleurs végétales lui permet d’avoir une palette chromatique totalement libre et personnelle. Son style graphique ne ressemble à aucun autre et évoque, grâce à une aisance gestuelle rare, l’art de la calligraphie. Moni Mala n’hésite pas à passer des thèmes religieux traditionnels propres aux patuas du West Bengal, alternant thèmes hindous et musulmans, à des sujets d’inspiration hors du commun où reviennent de manière récurrente des scènes de sexe et de violence inspirées par la Fête de Baha propre aux Santals.
Moni Mala, Santal life, 1997, couleurs végétales sur papier, 35x280 cm, détail.
Ce rouleau est le premier d'une série que je lui commandais. J'avais remarqué, dans les détails de certaines peintures que je lui avais précédemment acheté, son aisance toute particulière dans la représentation de scènes de sexe et de violence. Ce fut le thème de cette commande. Cette peinture, qu'elle terminât en ma présence à Calcutta, illustre son regard sur la vie quotidienne des Santal à travers le mythe de la Création du monde. Dans cette légende, est dit que le premier couple humain sur terre eut sept filles et sept garçons. Séparés les uns des autres, ils oublièrent leur lien de parenté et, lorsqu'ils se retrouvèrent bien des années plus tard, eurent des rapports incestueux qui leur valurent les foudres célestes.
Moni Mala, Yama pat, 1997, couleurs végétales sur papier, 30 x240 cm.
Une fois de plus Moni Mala restreint sa gamme chromatique a deux couleurs, un noir dense et un bleu vif et sombre qui à la fois unifie et fait vibrer cette accumulation de sujets. Les scènes festives sont particulièrement présente, les hommes et les femmes boivent de l’alcool, prennent des drogues hallucinogènes, les scènes d’amour physique y sont omniprésente, non pas sous la seule forme de sévices sexuels infligés par des démons comme dans de nombreux autres rouleaux, mais aussi exprimant une forme d'extase.
Ci dessus et à gauche, sculpture évoquant la déesse de la fertilité, Hyderabad, onzième siècle
Moni Mala, Santal life, 1990, couleurs végétales sur papier, 20x1860 cm.
Ci dessus : Sculpture évoquant la déesse de la fertilité, Hyderabad, onzième siècle. Moni Mala, Santal life, 1990, couleurs végétales sur papier, 20x1860 cm.
L'omniprésence de la sexualité dans l'œuvre de Moni Mala nous rappelle qu'elle appartient au monde des "adivasi", des premiers habitants de l'Inde. Les adivasis ont leur propre système de croyance et d'organisation sociale. Les divorces et les remariages sont fréquents chez les Santal et, il est rare qu'une veuve reste seule. Le sexe masculin, toujours en érection, et, le sexe féminin disproportionellement agrandi et offert, sont symboles de fertilité. Les nombreux sévices sexuels qu'infligent les démons aux êtres humains semblent être autant d'atteinte à la fertilité sans laquelle la survie devient impossible.
Moni Mala, Création du monde, 1997, 22x130 cm
Quelle aisance, quelle facilité apparente !
Peintre, graphiste ou encore designer, tous connaissent l'extrême difficulté qui est celle d'arriver à la forme pure, évidente.
Après avoir beaucoup appris, il nous faut se défaire de tous ces acquis afin d'approcher la forme ou la pensée la plus épurée, afin de réconcilier l'acquis et l'inné.
Moni Mala, a 24 ans déjà mère de six enfants, mère et femme-enfant, a conservé en elle une vision à la fois savante et primitive d'une simplicité originelle qu'il nous faut sans cesse reconquérir au prix d'immenses efforts.
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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle